Suite à mes précédents articles qui vous ont donné des clés pour professionnaliser vos productions musicales, je vous explique aujourd’hui le rôle et les origines de cette profession. Tentons de mieux comprendre ce métier aux multiples facettes et aux contours parfois flous.
Que s'appelerio “producere” :
Le producteur, aussi appelé réalisateur artistique, est en quelque sorte le chef de projet de la création d’un disque ou d’une œuvre enregistrée. Il est chargé d’avoir une vision globale du projet, de mettre en relation les différents intervenants, de choisir le studio, etc… Il s'implique dans des étapes comme la direction artistique, les arrangements musicaux, l’enregistrement et les programmations des instruments, le coaching vocal, le mixage voir le mastering. Il est le fil conducteur de toutes les étapes et fait généralement le lien entre les artistes et les labels.
Psychologue, visionnaire, technicien, entrepreneur, le métier de producteur est différent en fonction de chacun, de ses compétences, de ses goûts et des désirs de l’artiste ou de la maison de disque avec qui il travaille. C’est pour cela qu’il est difficile de trouver une définition uniforme.
Etymologiquement, producteur vient du latin producere qui signifie “guider” “mener vers l’avant”. Ainsi, il est le moteur du projet, il apporte sa vision à l’univers d’un artiste ou d’un groupe de musique. Certains producteurs, comme Brian Eno (U2, Coldplay), ont d’ailleurs été reconnus pour leur avant-gardisme et leur influence dans le domaine de la musique. D’autres encore comme Clive Davis (Whitney Houston, Janis Joplin) pour avoir su dénicher des artistes de talents ou pour être des génies du sample comme les Daft Punk ou du Hip Hop comme Dr. Dre ou Timbaland.
Souvent confondu avec le producteur “financier”, il s’agit pourtant de métiers bien distincts. Rattaché à un label ou une maison de disque, son rôle est de gérer les finances et veiller à ce que le projet soit rentable. Les deux métiers sont souvent amenés à travailler ensemble et à gérer des artistes chacun avec sa spécialité, finance ou musique. Pour compliquer les choses, il arrive que certains jouent sur les deux tableaux comme Quincy Jones (Michael Jackson) en s'impliquant musicalement et économiquement.
Les outils de production étant en constante évolution, de nouvelles vagues de producteurs voient régulièrement le jour et dans leur sillage, pléthore d’artistes. En définitive, il n’existe pas un producteur qui ressemble à un autre.
Essayons tout de même de comprendre ce qui les unit en regardant les origines de cette profession.
La production à travers les âges :
Pour trouver l’origine du métier de producteur, il nous faut remonter à l’aube des années 50 avec l'émergence des studios d’enregistrement. Dans un premier temps, le rôle du producteur est de s’assurer du bon déroulement de l’enregistrement des orchestres. Mais rapidement, le materiel évolue et certains producteurs se démarquent en tentant de nouvelles approches et en expérimentant une technologie alors balbutiante.
Parmi eux, un certain George Martin, producteur de musique classique à la tête de Parlophone est en recherche de nouveaux talents pour étoffer son catalogue dans un style de musique émergent : le rock’n’roll. C’est ainsi qu’il croise la route des Beatles qu’il juge dans un premier temps comme “OK, mais pas ouf”. Mais leur humour et leur intelligence ont fini par le convaincre. Après un remaniement du groupe, une collaboration de près de 8 ans se met en place, durant celle-ci près de 190 titres sont enregistrés, dont 27 numéro 1 des charts. Considéré comme “le cinquième Beatles", il devient tour à tour mentor, arrangeur, ingénieur du son. George Martin les accompagne même dans leurs expérimentations autour de la musique indienne sur l'album Sgt. Pepper's.
L’arrivée des samplers va lancer les premiers producteurs hip-hop dans les années 80, aussi appelés beatmakers et dans les années 90, la musique électronique avec un nouveau courant, la French Touch dont sont issus des groupes comme Air ou encore Daft Punk. Plus récemment l’informatique a apporté beaucoup de possibilités et des artistes comme Skrillex ou encore Petit Biscuit ont su tirer profit des nouveaux outils pour faire émerger de nouveaux courants musicaux.
Trombinoscope :
À la lecture de cet article, vous remarquez qu’il est difficile de dresser un profil type. Voici une liste non exhaustive de plusieurs archétypes de producteurs et je vais tenter de vous les décrire.
Le technicien :
Le geek de la prod, derrière son écran et ses machines, il peut travailler pendant des heures le son de caisse claire. Toujours à la recherche de nouvelles façons de créer et de faire évoluer sa musique, il ne laisse rien au hasard, son but ultime c’est d’avoir “le son”.
Quelques exemples : Nicolas Godin (Air), Grimes, Brian Eno, Nigel Godrich
Le multi-instrumentiste :
Touche à tout redoutable, il joue de tous les instruments, chante, réalise les clips, certains vont même jusqu’à créer les chorégraphies. Il a une vision claire de ce qu’il veut faire et de comment il va le faire. Il est souvent l’artiste pour lequel il produit même s’il s’accorde parfois du temps pour des collaborations.
Quelques exemples : Prince, Charlie Puth, Dave Grohl, Björk
Le visionnaire :
A mi-chemin entre l'homme d'affaires et le producteur de musique, il est visionnaire, découvreur de talent. Assis dans l’ombre au fond du studio, s’il ne dit rien c’est qu’il analyse. Il est là pour diriger l’artiste, le pousser à se dépasser. Il s’implique moins dans la technique mais sa vision de l’industrie musicale et son flair en font un dénicheur de talent.
Quelques exemples : Rick Rubin, Clive Davis, Jimmy Iovine, Linda Perry
Le DJ, producteur, remixeur :
En plus d’enflammer le dancefloor, certains DJ en créant des remixs originaux sont devenus des producteurs de talents. Reconnus pour leur flair, ils vont dénicher un acapella méconnu et en faire des tubes internationaux et propulser des carrières.
Quelques exemples : David Guetta, Ellen Allien, Calvin Harris, Avicii
Producteurs “bankable” :
Avec le temps, certains producteurs se sont assurés une solide réputation en signant des succès commerciaux et pour un artiste, collaborer avec eux signifie le succès assuré.
Parmi les producteurs les plus influents de l'industrie musicale figurent des noms tels que Timbaland, Dr. Dre et Mark Ronson, qui ont chacun marqué leur époque avec des productions innovantes et ont lancé la carrière de nombreux artistes.
Timbaland, de son vrai nom Timothy Zachery Mosley, a connu une carrière prolifique dans les années 90 et 2000 en produisant des chansons pour des artistes tels que Aaliyah, Missy Elliott, Jay-Z, Justin Timberlake et Nelly Furtado. Sa signature musicale, caractérisée par des beats lourds et des arrangements audacieux, a été largement imitée et a contribué à définir le son du hip-hop et du R&B de l'époque.
Dr. Dre, quant à lui, est un autre producteur légendaire qui a lancé la carrière d'artistes tels qu'Eminem, Snoop Dogg et 50 Cent. Sa marque de fabrique, caractérisée par des basses profondes et des samples soulful, a été l'une des plus influentes de l'histoire du rap.
Mark Ronson, pour sa part, est un producteur britannique qui a connu un immense succès dans les années 2000 en produisant des albums pour des artistes tels qu'Amy Winehouse, Lily Allen et Bruno Mars. Son style éclectique, mélangeant des éléments de funk, de soul et de rock, a permis à ses productions de se démarquer dans un paysage musical souvent uniforme.
En collaborant avec des producteurs de renom, les artistes peuvent s'assurer une exposition maximale et une certaine garantie de succès commercial. De plus, collaborer avec un producteur célèbre peut offrir une certaine crédibilité et une validation aux yeux des auditeurs et des professionnels de l'industrie musicale. Cela peut donner aux artistes une plus grande visibilité et une légitimité qui peut contribuer à leur succès.
L'avènement des home-studios :
Récemment les “bedroom producer”, tel que Finneas (Billie Eilish), ont démontré qu’ils pouvaient prendre d’assaut les charts et remporter des Grammys en produisant et en enregistrant des albums intégralement dans leur chambre. Également, beaucoup de beatmakers ont pu signer de grands “hits” depuis leur home-studio.
En effet, il est désormais possible de s’équiper chez soi d’outils professionnels et de produire “à moindres frais” de la musique. Je vous prépare d’ailleurs un grand dossier sur “tout ce dont vous avez besoin pour produire un album de A à Z”.
En agissant comme des influences mutuelles, les courants musicaux actuels mettent en avant une musique produite dans des home-studios.
L'émergence des bedroom producers fait bouger les lignes de l'industrie musicale en faisant, de plus en plus souvent, passer au second plan la musique enregistrée dans des studios de luxe.
Rajouté à cela le streaming qui, en plus d'avoir divisé drastiquement les revenus des artistes, les oblige à produire beaucoup et régulièrement. Ce qui limite grandement les budgets et le temps alloués à un album.
De plus, pour beaucoup d’artistes, il est très confortable de pouvoir travailler dans le calme, sans avoir la pression de rentabiliser des sessions d’enregistrement coûteuses, avec une équipe de techniciens. C’est ainsi que Stromae à enregistré intégralement son dernier album seul chez lui, prenant ainsi le temps qu’il souhaitait. De fait, seul le mixage a été fait en studio.
A travers ces quelques lignes, j’espère que vous discernez mieux les contours de ce métier et qui sait, aura peut-être fait naître chez vous une vocation. Dans ce cas, je vous invite à lire ces articles qui vous donneront des clés pour faire évoluer vos productions musicales.
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